- Reportage Le Potager Qui Pousse 14:10
Le « Potager qui Pousse » est une performance jardinière menée durant sept jours par le paysagiste et artiste havrais, Marc Vatinel de l’atelier Precarré. Pour réaliser ce projet, il s’est entouré de Maxime Bricheux et Rachel Doumerc du collectif Terr’o.
Photo et texte par Alexandre Petzold
Du « Paysage partagé » vers le « Potager qui pousse »
Le principe d’un espace potager ouvert aux patients, aux personnels mais aussi accessible aux habitants
d’Etampes, avait été mis en évidence lors des ateliers de sensibilisation au paysage propre au site d’hospitalisation d’Etampes de l’EPS Barthélemy Durand. De février à juin 2022, en binôme avec la paysagiste Aurélie Wagner-Cullati, nous avions recueilli les aspirations des occupants pour les formaliser par la suite en intentions de projets représentées sur la carte du « Paysage partagé », véritable outil de concertation, conçu par la designer Louise Rué.
Parmi nos participants, Amina avait évoqué avec émotion le jardin nourricier de sa grand-mère à Djerba en Tunisie, se rappelant des figues bien mûres dont le parfum se mêlait à celui du jasmin. Pour Alexandra, son grand bonheur était de pouvoir déguster ses récoltes dans son jardin. Julie quant à elle, aimait toucher terre en jardinant. Enfin, Jaquelin dont les remarques étaient toujours porteuses de projet avait en observant quelques plantes vagabondes au sein d’un bosquet émis l’idée qu’un jardin pouvait sortir de son enclos. Puis en scrutant un horizon lointain, il avait alors déclaré : « C’est important d’avoir de grandes ouvertures. On est dehors, comme s’il n’y avait pas de fin ! » Le « Potager qui Pousse » réunit toutes ces aspirations. C’est avant tout un lieu de rassemblement et de convivialité autour du plaisir de cultiver ses propres légumes et plantes comestibles. Mais c’est aussi un espace qui s’inscrit dans le paysage et qui s’ouvre vers celui-ci. Depuis la « terrasse-cabane », promontoire implanté sur la grande prairie en pente douce, on perçoit de façon plus évidente les horizons stampiens et la vallée de la Juine au sein de laquelle s’est développée la ville d’Etampes. La tour Guinette, la collégiale Notre-Dame-du-Fort d’Etampes et l’église Saint-Basile d’Etampes, emblématiques monuments d’Etampes, s’offrent alors à tous dans une ambiance champêtre apaisante.
Le « Potager qui pousse », étapes préparatoires
Il est treize heures en ce 15 février 2023. Une première de concertation avec Marc Vatinel s’est déroulée le matin en compagnie de Véronique Bathily, directrice de La cité culturelle et d’un comité de pilotage. Lors de la
pause déjeuné, Marc réfléchit à haute voix sur les possibles articulations du potager. Il manipule sur la table quelques petits sachets de sel et poivre et l’idée d’un potager qui peut croître en fonction de son possible succès germe ainsi. Se sera le « Potager qui pousse » ! Les 2 et 3 mai, Marc propose sur le terrain, selon un axe Nord-Sud orienté vers le paysage d’Etampe, une préfiguration du potager. A l’aide de cordeaux, poteaux et piquets, il matérialise au sol les différentes emprises des éléments constitutifs du projet. On différencie alors l’emplacement de la « terrasse-cabane », les espaces de cultures, les circulations ainsi que le linéaire de la haie fruitière et celui des ganivelles. En déambulant à l’intérieur du projet, chacun peut alors réagir sur la proposition de Marc. Au final, il est décidé de tout surdimensionner pour un meilleur accueil des patients. L’espace entre les bacs de plantations est agrandi et on en rajoute quelques uns aussi. La « terrasse-cabane » devient plus grande. Il faudra donc plus de bois, plus de vis, plus de clous…et plus de personnes pour construire. Marc doit alors modifier ses visualisations / (ses projections) en trois dimensions et estimer au plus précis le matériel nécessaire. Cette phase invisible du projet est aussi capitale que chronophage. Une course contre la montre s’engage aussi. Trouver des planches issues de pin nordique dont la croissance lente assure une meilleure durabilité du bois, n’est pas une mince affaire. Et puis, il faut réunir une équipe disponible sur laquelle on peut compter. Après avoir repoussé à deux reprises le démarrage de la réalisation du Potager, celui-ci débute enfin le 21 aout.
JOUR 1
Marc constate avec soulagement que tout le matériel commandé se trouve bien sur place.
Planches, tasseaux, piquets, ganivelle, sacs de terreau…sont parfaitement disposés à proximité du futur potager. Les innombrables boîtes de clous et vis aux diamètres variés sont protégées dans un chariot comme un trésor au sein de la Cité culturelle. À l’aide de son cordeau rose électrique et de son ruban métrique, Marc reprend précisément le nouveau tracé au sol du potager. Pendant ce temps, Rachel et Maxime découpent avec une scie circulaire mobile les planches nécessaires à la réalisation des bacs de culture. Puis pour améliorer la durabilité du bois, ces planches sont badigeonnées avec du goudron sur la face qui sera en contact avec le terreau. Le socle accueillant la tonne d’eau, dont les montant ont été fabriqués dans l’atelier de Marc, sont assemblés par vissage et collage.
JOUR 2
Les planches goudronnées ont séché durant la nuit. La construction des modules pour la réalisation des bacs peut alors débuter. Puis ces modules sont disposés à même le sol selon l’axe Nord-Sud du potager. Les poteaux de section carrée utilisés pour une bonne stabilité de ces bacs, sont découpés à la bonne dimension, puis la partie qui sera enfoncée dans le sol est trempée dans du goudron. Deux composteurs sont aussi réalisés selon ce même principe de modules appliqués aux bacs. Dans l’après-midi, Marc et Maxime construisent l’armature en bois (solivage) qui recevra la « terrasse-cabane ». À quatre, nous la transportons jusqu’à son emplacement prévu. En fin de journée, c’est la corvée de terreau ! Une grande partie des 210 sacs sont portés jusqu’aux jardinières.
JOUR 3
Le grand cadre constitué de solives destiné à supporter la « terrasse-cabane » est mis de niveau, puis est fixé au sol qu’il ne touche pas, par des tasseaux en bois tropicaux enfoncés obliquement, pour une stabilité optimale et durable de l’ensemble. On dirait un radeau en lévitation. Les premiers montants verticaux de la « terrasse-cabane » sont dressés comme une promesse en attente. Re-corvée de terreau et remplissage des bacs !
JOUR 4
C’est la journée la plus spectaculaire visuellement. Le montage de la « terrasse cabane » semble s’accélérer. Son ossature s’affirme peu à peu. C’est comme un grand mécano aux allures de mikado géant. Le plancher est mis en place ainsi que la partie toit matérialisée par une treille. Les contours d’un volume traversé par le paysage émergent au cœur de la prairie.
JOUR 5
Le volume devient un lieu. La table et les bancs sont fixés. La cloison séparant l’espace de vie de l’espace de rangement (le placard, surnommé le « Couteau Suisse » par Marc) est finalisée. Une partie de cette cloison est peinte en noir pour devenir un grand tableau, support de communication et d’expressions pour les futurs
utilisateurs du potager. Le potager est presque abouti mais deux jours supplémentaires seront nécessaires pour parvenir au résultat souhaité. Ce chantier constitue une performance artistique. C’est un « One shoot » intense mené collégialement par Marc, Maxime et Rachel. Une sorte de chorégraphie jardinière harmonieuse où dans un temps défini, chaque geste, chaque déplacement du corps dans l’espace fait œuvre. Le « Potager qui pousse » est un jardin en devenir. Il poursuivra son chemin de vie avec tous ceux qui désirent se l’approprier. L’œuvre jardinière évoluera au fil du temps avec le bon espoir qu’il se bonifie avec l’âge.
